Les Amérindiens considèrent l’ours comme un symbole de force et de sagesse, et alors que nous nous tenions près des chutes de Brooks en cet après-midi d’été ensoleillé, je pouvais comprendre pourquoi.
Grandeur, puissance, confiance, patience, ruse, l’ours brun a tout.
Pour le plaisir d’admirer les ours bruns de Katmai dans leur milieu naturel, nous avons pris un petit hydravion à Homer, sur la péninsule de Kenai, tôt le matin et nous sommes dirigés vers le Parc National de Katmai. Le vol seul valait le voyage car nous avons volé au-dessus de paysages époustouflants, accessibles uniquement à pied ou en avion. Survolant de sommets élevés, de hautes plaines et de profonds lacs, Bruno et moi révions déjà de revenir randonner dans cette région sauvage. Penser que sans doute personne n’avait jamais marché sur ces terres était émouvant, sachant que seules quelques places sur terre étant encore ainsi intactes.
Nous avons atterri sur le Lac Naknek, un des petits lacs entourant l’entrée du parc. L’atterrissage s’est bien passé, notre première arrivée en flotteur. Je m’attendais à des soubresauts et ai été surprise de voir que tout se passait en douceur. La surprise s’est même amplifiée dès notre débarquement, un grizzli sortant de la forêt toute proche et marchant sur le rivage. Notre excitation est montée d’un cran, quand nous l’avons vu marcher tranquillement vers nous. Calmes, nous ne l’étions pas trop…
Le centre des visiteurs est situé juste à côté de la rive et est un arrêt obligatoire pour tous les visiteurs. Avec une telle concentration d’ours bruns, toute personne doit passer par une présentation sur la sécurité : comment rester en sécurité au pays des ours, comment réagir si on en rencontre un, comment ne pas courir. Nous avons appris la distinction avec les ours grizzly. Les deux sont de la même espèce (Ursus arctos) et le grizzly est une sous-espèce de l’ours brun. Grizzli se réfère généralement aux animaux de l’intérieur, comme à Yellowstone, tandis que l’ours brun vit sur la côte et se nourrit de ressources marines comme le saumon.
Le parc autorise les visiteurs à se déplacer seuls. L’hypothèse est que les ours sont bien alimentés par les saumons qu’ils attrapent dans les chutes de Brooks et qu’ils ne cherchent pas à compléter leur alimentation avec des humains. Dans cet esprit, les gardes nous informèrent que les ours chercheraient très probablement à nous éviter et iraient pêcher le saumon, une nourriture plus facile et plus à leur goût. Toutefois, aucune nourriture ou boisson sauf l’eau ne sont autorisés dans le parc. Aussi nous avons pris un déjeuner rapide, désireux de rejoindre les plates-formes d’observation au plus vite.
Connu pour sa forte densité d’ours bruns, Katmai a l’avantage d’offrir le seul endroit où les ours se rassemblent, une occasion unique de voir jusqu’à environ 25 ours en même temps. Trois plates-formes d’observation – un pont en bas de la rivière, une autre avec vue sur la rivière et une aux chutes de Brooks – ont été construites pour offrir le maximum de visibilité sur les zones où les ours pêchent habituellement. Sas de sécurité pour les visiteurs et interaction limitée avec les ours, c’est un challenge gagnant-gagnant. Tandis que nous marchions sur le pont, la plate-forme de basse rivière (Lower River) et sur le chemin étroit vers la dernière plate-forme, nous gardions un œil vers les ours potentiels. Les gardes nous avaient régalés d’histoires d’ours sortant de façon inattendue des buissons, surprenant les randonneurs. Pour faire assez de bruit et alerter tout ours de notre présence, notre groupe maintenait une conversation animée, remplaçant pour une fois le silence normalement apprécié dans les bois.
Nous nous sommes arrêtés brièvement sur la deuxième plateforme, où nous avons apprécié les premières vues de la rivière de Brooks et une demi-douzaine d’ours pataugeant dans l’eau. Deux d’entre eux pêchaient, debout sur les rochers pour observer les saumons nageant en amont. D’autres restaient simplement dans l’eau, tournant la tête de temps en temps dans une paresseuse tentative de prise de poisson à proximité. Un petit mâle est apparu, absolument pas à sa place. A cause de son manque de compétences pour la pêche, du froid ou de la maladie, ce jeune de 2-3 ans semblait avoir peur de l’eau. S’accrochant solidement avec ses quatre pattes, il se tenait sur un petit rocher, l’air effrayé et manifestement désireux d’être ailleurs. Apparemment affamé, le jeune ours essayait d’attraper un saumon et a sauté maladroitement dans l’eau. Échouant lamentablement, il est ressorti de l’eau sans poisson. Nous nous sommes sentis mal pour ce pauvre petit ours.
Quand nous sommes arrivés à la troisième et principale plateforme, Brooks Falls, un garde organisait les groupes. En raison de la popularité de cette plate-forme, la visite est limitée à une heure par groupe en haute saison. Nous avons attendu notre tour un petit moment. En s’approchant du point de vue, nous avons compris la popularité de l’endroit : la rivière Brooks coulait juste en face de la plate-forme, large et rapide et peuplée d’environ 20 ours répartis devant nous ! Nous étions ravis, comme des petits enfants à Noël !
L’heure suivante fut magique. Nous étions témoins des comportements et de la dynamique de groupe des ours bruns dans un endroit si proche de nous que c’était irréel !
À notre arrivée, un énorme mâle se trouvait au bord des chutes supérieures, dominant les autres ours dans la partie inférieure. Seul, sa position lui donnait l’opportunité d’attraper les saumons sautant par-dessus les chutes d’eau, ce qu’il fit à plusieurs reprises. Sa domination fut démontrée quand un couple d’ours des chutes inférieures tenta de passer dans son domaine. Le mâle dominant entra en colère, sa gueule menaçante grande ouverte dans un affichage féroce de pouvoir. Les ours se retirèrent lentement, vaincus par le mâle dominant. À leur tour, les deux ours commencèrent à se battre pour le poste de second rang, juste sous les chutes. Le plus grand des deux gagna cette bataille et s’installa profondément dans l’eau, attendant le passage des saumons.
De nombreux poissons plus tard, le grand mâle quitta sa position privilégiée pour ce que nous avons supposé être du repos. En tous cas, l’endroit ne resta pas longtemps vide, une femelle avec trois oursons venant lentement le remplacer. Le femelle resta prudente, guettant le retour du mâle agressif. Ses trois oursons se tenaient près d’elle, incertains et mal à l’aise.
Se positionnant au même endroit où le mâle dominant se tenait quelques minutes auparavant, la femelle tenta d’attraper les saumons. Elle n’avait pas l’expérience du mâle et en rata plusieurs, interrompue et bousculée par ses petits constamment en mouvement. Les trois oursons affichaient des caractères différents. L’un, plus petit et moins énergique, était l’enfant timide et protégé à l’arrière de sa maman. Un frère plus fort et plus audacieux se précipita pour attraper un poisson. Il tomba presque dans les chutes inférieures dans sa tentative. Le troisième petit se déplaçait dans un espace limité.
Les efforts communs portèrent leurs fruits, et la femelle attrapa un saumon de taille non négligeable. Elle en mangea une bonne partie elle-même et avec le reste, elle nourrit ses trois oursons. Quelle image impressionnante à contempler les petits se régalant de leur repas! Le plus petit et timide avait du mal à réclamer sa part, sans cesse repoussé par ses deux grands frères. Il est à noter qu’il est rare que les femelles aient trois oursons. La moyenne de l’Alaska est de deux oursons grâce à l’abondance des poissons, et un ourson dans les 48 autres états Américains, en raison de l’approvisionnement alimentaire moins nourrissant et plus limité.
Quand le grand mâle revint à sa place, la femelle quitta rapidement la zone de pêche principale, suivie de ses petits. Nous étions ravis de la voir se rapprocher de la plateforme d’observation, plus proche de nous. Il est en générale conseiller d’éviter en particulier les femelles avec leurs petits. Et ici, ils restaient, les pattes à peine plus loin de nous, nous ignorant complètement et pour notre grande admiration !
Le mâle retourna à sa partie de pêche tandis que les autres ours dans les chutes inférieures l’observaient patiemment. Je suppose qu’ils n’étaient pas prêts à combattre le mâle dominant pour sa place. Les ours brun adultes peuvent pêcher jusqu’à 30 poissons par jour, ce qui leur est nécessaire pour nourrir leur poids de 270 à 500 kgs (600 – 900 livres) au milieu de l’été, et de 450 kgs (1,000 livres) à la fin de l’automne.
Malheureusement, il était temps de partir. Un garde vint nous rappeler que notre heure était terminée et qu’il fallait laisser la place aux nouveaux visiteurs. Avec un dernier regard vers les chutes de Brooks, nous quittions la plateforme, désolés de nous en aller, mais contents tout de même. Nous avions assisté à des moments merveilleux avec les ours bruns dans leur habitat, leurs habitudes, leur lutte pour le pouvoir et leur dynamique de groupe.
En route pour le centre de visites, se trouvait une foule sur le pont. Une autre femelle et ses deux oursons se promenaient de l’autre côté du pont. Les gardes fermèrent la voie en attendant que les ours se dispersent. Ceux-ci n’étaient toutefois pas prêts et restèrent un certain temps pendant que nous attendions aussi. Je n’ai jamais vu un parc avec autant de gardes sur place comme si chaque coin avait une paire d’entre eux pour diriger les visiteurs et prêts à fermer les pistes pour empêcher une rencontre avec les ours. C’était logique, alors que nous marchions dans le pays le plus peuplé en ours, et le fait que nous pouvions simplement faire une randonnée par nous-mêmes parmi les ours était étonnant. Mais nous comprenions pourquoi les gardes étaient si présents et prudents afin d’éviter tout problème.C’était tout autant pour protéger les ours que les humains. Si les ours commencent à être agressifs, c’est une situation aux conséquences potentiellement mortelles pour eux.
Cet arrêt temporaire nous permit d’assister à un autre moment intense alors quand nous remarquions des pêcheurs plus loin le long de la rivière. Une femelle et ses oursons accouraient vers les pêcheurs, ceux-ci inconscients du danger avec les ours!. Le garde à proximité appela rapidement le garde présent avec ces pêcheurs. Il leur demanda d’arrêter de pêcher, de se regrouper et d’être prêts à se déplacer lentement hors de la rivière. Obéissant aux instructions, les hommes rapidement replièrent leur équipement, formèrent un groupe serré et se dirigèrent vers le pont pour s’éloigner des ours. Nous étions tous tendus par la situation. Heureusement, le groupe réussit à s’éloigner et à éviter toute confrontation. Tout le monde, bipèdes et quadrupèdes continuèrent leur périple sains et saufs…
Enfin autorisés à traverser le pont, nous avions atteint le centre des visiteurs, le bord du lac et notre hydravion. Alors que nous embarquions pour retourner à Homer, j’ai regretté de ne pouvoir y passer la nuit, qui aurait sûrement été un autre moment fantastique. Mais comme nous volions à nouveau au-dessus des terres indemnes, nous ne pouvions nous arrêter de revivre ces moments avec les ours bruns et d’admirer combien ils étaient majestueux.
Autres activités à proximité
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- Randonnée dans l’arrière-pays : Katmai est avant tout un parc naturel, avec moins de cinq miles de sentiers désignés. Compte tenu de l’éloignement et la présence d’ours bruns, dans l’arrière-pays les utilisateurs doivent s’assurer qu’ils possèdent les compétences et la formation pour être en sécurité dans cet environnement sauvage.
- Pêche sur la rivière Brooks: une grande attraction étant donnée la présence de saumons et la possibilité de se retrouver face à face avec un ours à la recherche du même déjeuner ! Réservation via un voyagiste est recommandée.
- Vallée des dix mille fumées : à seulement 74 km (46 milles) du parc, cette excursion d’une journée explore les paysages volcaniques de Katmai où la plus grande éruption du 20e siècle a eu lieu en 1912. Le sommet du Mont Katmai s’est effondré, les villages abandonnés, et le spectaculaire paysage couvert de cendres de la vallée des dix mille fumées est né. Le fond de la vallée peut être découvert grâce à une marche modérée de 5.4 km (3,4 milles) aller/retour avec 305 m (1,000 pieds) de changement d’altitude. Les réservations sont obligatoires par le biais Katmailand, Inc.
Quand y aller
Le meilleur moment pour observer les pêches des ours est de fin juin à fin juillet, quand les saumons sockeye rouges remontent la rivière Brooks et sautent par-dessus les chutes de Brooks pour poursuivre leur route de migration. Les ours sont toutefois présents du printemps à l’automne.
Où souhaitez-vous & manger
L’éloignement du parc signifie que les services se limitent au sein du parc. Au cours de l’été, généralement du 1er juin au 18 septembre, un centre d’accueil, un poste de gardes forestiers et un terrain de camping sont exploités par le National Park Service, avec des programmes dirigés par des gardes tous les jours. Des services supplémentaires sont fournis par le concessionnaire de Katmailand, Inc., y compris les repas et les logements à Brooks Lodge.
Le camping est situé sur la rive de Naknek Lake, environ 5 km (3 miles) du centre de visiteurs et il est protégé par une clôture électrique. Il propose des équipements de base, avec de l’eau potable disponible uniquement en été. La capacité est limitée à 60 emplacements de tentes qui se louent rapidement en haute saison. Il est recommandé de réserver tôt pour obtenir une place en haute saison.
Brooks Camp : Destination la plus populaire du Katmai, elle offre certains des meilleurs postes d’observation des ours et de leur pêche sportive et c’est un bon centre d’aventures dans l’arrière-pays.
Comment s’y rendre
La plupart des visiteurs s’envolent soit d’Anchorage, d’Homer ou même de Kodiak et de petits villages. De Homer, les vols durent environ 1H30, comparée à 2h58 d’Anchorage
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